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Funambule au bord du monde - Mots, Femmes, Terrains

Du 3 octobre 2025 au 15 mai 2026

 

Séminaire porté conjointement par : Salomé Deboos (PU Anthropologie, LADEC, Université Lyon2) Sandra Schaal (PU Etudes japonaises, GEO, Université de Strasbourg) Et avec l’aide de : Ibtissem Batoum (PhD fellow, LADEC) Contact : salome.deboos@univ-lyon2.fr ; schaals@unistra.fr

Funambule au bord du monde
Mots, Femmes, Terrains


« Le problème des textes imprimés, c’est qu’ils ne changent jamais d’avis » écrivait Ursula K. Le Guin (1989 :13), exprimant en peu de mots la complexité de nos disciplines que sont les Humanités. Anthropologues, linguistes, sociologues, archéologues entre autres, ces funambules, rendent compte du mouvement d’une société, de son changement, de ses fausses routes et reculs tout autant que ses solutions et remèdes inventés lorsque le corps social est souffrant. Loin d’être simple observateur, il participe à ce monde, l’impacte d’infimes touches de réflexivités qui permettent de donner à voir cet invisible infini qu’est la créativité humaine.
Ce séminaire de recherche tend à rendre compte de cette instabilité de la rencontre avec le terrain, des mots de femmes et des mots sur les femmes dont les anthropologues et autres chercheurs sont simultanément témoins et analystes.
En effet, Anthropologues, linguistes, sociologues, archéologues entre autres, sont dans le monde et dans le même temps doivent effectuer une distanciation suffisante de leur vécu pour être en capacité de l’envisager comme objet d’étude et de recherche. Sa vision du terrain est à la fois proche et lointaine d’autant que « quand on veut étudier les hommes, il faut regarder près de soi ; mais pour étudier l’homme, il faut apprendre à porter sa vue au loin » (J.J. Rousseau, 1781). Ainsi, l’anthropologue depuis plus d’un siècle fait acte mémoriel de ce qu’il vit autant que de ce qui le traverse car « learning about difference beyond the familiar and the avoidance ethnocentrism, are a living challenge for anthropologists in the field » (J. Okely, 2012 :107). Et l’autrice de continuer sur le constat de la sous-estimation faite par le scientifique sur la manière dont, à son corps défendant, il est tout à la fois modelé par ses années passées sur le terrain et modèle ses informateurs au long cours. Cette idée est reprise par Ilja Maso (2001 :136-144) lorsqu’il pointe le paradoxe de l’étranger, le comparant à l’anthropologue arrivant sur un nouveau terrain, comme étant celui qui pour se faire accepter doit à la fois observer et intérioriser ce Wholness (Inconscient Collectif) puisque « ‘his acting shows all marks of habituality, automatism, and half consciousness’(1971 :101) typical of anybody who has grown up in this kind of situation » (Maso, 2001 :137). Puis il conclut en admettant qu’il est pris pour acquis le fait que ces différences tiennent de et résultent de différentes constructions de la réalité par le chercheur (Maso, 2001 :144). C’est justement ces « réalités » qui font l’objet de narratives, mots, discours avec, pour et sur les femmes.
Ces discours directs, indirects, ou allusifs, peuvent être exprimés à l’aide de la parole, mais aussi de la gestuelle, de la musique, etc. Ces narratives polymorphes peuvent s’enchâsser au sein d’une chaîne de communication directe et immédiate, prendre chair au travers de l’évocation d’une personne ou d’une situation à un tiers, ou de considérations émises publiquement par la personne au sujet de ses partenaires (parents, partenaires économiques, autorités ou dépendants religieux ou politiques…). Celles-ci sont actées afin de constater, expliquer, critiquer, attaquer, justifier, ou au contraire se moquer, se dédouaner, rassurer, rééquilibrer, etc. L’analyse et le décryptage de ces échanges, de ces communications et de leurs modalités amènent la ou le scientifique à identifier des situations particulières (sur les plans linguistique, historique, culturel, politique, social, psychologique), ainsi que des schèmes de communication qui dépendent le plus souvent de contextes et hiérarchies précis en lien avec une culture, une histoire, des organisations politiques et des structures sociales particulières. L’expression de soi par rapport à l’autre, devant l’autre, en absence de l’autre, ou devant un autre public, retiendra également l’attention des locuteurs soit publiquement et/ou intimement, comme individu, époux ou partenaire sexuel, père ou mère, membre d’une collectivité, membre d’une famille restreinte ou étendue, allié ou adversaire, senior ou junior.
Ce séminaire interdisciplinaire a pour visée de faire avancer le débat sur la connaissance quant aux manières dont les identités sociales et les liens sociaux, sexuels, culturels, politiques, économiques, religieux, se construisent et se déconstruisent, çà et là dans le monde, dans les discours, les non-dits et toute autre forme de communication sociale articulée, en mettant en jeu des rapports de pouvoir soit entre les différents genres sociaux, soit à l’intérieur d’un même genre mais selon d’autres critères qui renvoient à des histoires, une morphologie géographique et économique, ainsi que des structures sociales, religieuses et politiques précises.